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Paris – Île-de-France : le tourisme en perte de vitesse ?

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Par Alexandre DeStael | Palacity | Octobre 2016


Attentats, intempéries, grèves à répétition... Paris et sa grande couronne ont connu des jours meilleurs. Pour autant, portés par une énergie qui leur est propre, les “decision makers” intéressés par la capitale française supportent des projets structurants (ITC Roissy, Viparis...) qui, d’ici à quelques années, pourraient bien impacter sensiblement les résultats du tourisme et celui du tourisme d’affaires.


Centre Pompidou Paris

Évaluer le poids du tourisme à Paris et la capacité de la ville à répondre à une demande croissante est un préalable indispensable à la détermination d’une stratégie de développement. Si la capitale compte parmi les villes les plus visitées au monde, elle ne peut faire l’économie d’une réflexion sur la façon de conserver son rang. La place de Paris vis-à-vis de la concurrence, l’interaction avec la petite couronne, l’évolution du mix clientèle, la promotion du tourisme d’affaires, l’évolution de l’hébergement touristique sont autant de sujets fondamentaux », affirmait il y a quelques mois Nicolas Lefebvre, directeur général de l’Office du Tourisme et des Congrès de Paris. Entre-temps, l'International Congress and Convention Association (ICCA) a rendu public son classement des destinations les plus performantes dans l’accueil de congrès associatifs internationaux. Pour la première année, Berlin prend la première place mondiale avec 195 manifestations et relègue Paris en seconde position avec 186 manifestations, juste devant Barcelone (180 manifestations). Un podium très disputé, d’autant que Londres, Vienne et Madrid, respectivement 4ème, 5ème et 6ème de ce classement 2015 sont de sérieux prétendants.


Même son de cloche du côté du tourisme de loisir par typologie des visiteurs. Selon le tableau de bord de l’Observatoire économique du tourisme parisien, alors que le second semestre 2015 s’annonçait sous les meilleurs auspices, grâce à une dynamique positive et à la perspective de la COP 21, l’activité touristique de la destination a fortement reculé suite aux attentats du 13 novembre. Les arrivées hôtelières ont baissé de -10,6% à Paris et de -9,1% dans le Grand Paris. Le trafic de passagers internationaux dans les aéroports ADP a reculé de -0,9%. A noter que la fréquentation touristique du mois de janvier 2016 s’est inscrite dans la continuité de la fin d’année 2015 et des attentats du mois de novembre. Rappelons que les données de janvier 2016 sont ici comparées à celles de janvier 2015 où la capitale avait déjà été visée par une série d’attentats. Le taux d’occupation des hôtels parisiens a atteint 57,3% soit une baisse de -7,7 points toutes catégories confondues. Le prix moyen (160,6 €) a reculé de -2,5% et le RevPAR (97,3 €) de -12,2%. Les arrivées hôtelières à Paris ont reculé de -9,3 % par rapport à janvier 2015 (-14,7% par rapport à janvier 2014) dont -0,2% pour les Français (-9,3% par rapport à janvier 2014) et -18,0% pour les étrangers (-20,3% par rapport à janvier 2014). La fréquentation est en net recul à Paris pour toutes les zones géographiques avec des arrivées à -18,4% pour l’Europe ; -20,4% pour l’Amérique ; -18,5% pour la zone Asie/Océanie/Australie ; -6,8% pour les pays du Proche et Moyen-Orient. Les plus fortes baisses sont enregistrées pour deux pays au contexte économique fragilisé : le Japon à -52,4% et la Russie à -42,7%. Parmi les marchés matures on note le recul des arrivées allemandes à -7,9%, américaines (Etats-Unis) à -9,6% (leurs arrivées étaient en hausse de +5,8% en décembre 2015) ; britanniques à -11,1% et surtout italiennes à -34,1% ! Dans son enquête annuelle, l'Office du Tourisme et des Congrès de Paris a également compilé les résultats de la fréquentation de 67 musées et monuments parisiens en 2015. 74,7 millions d'entrées ont été comptabilisées. Néanmoins, là encore, le constat est que les deux vagues d'attentats ont provoqué une baisse importante du nombre de visiteurs de -7,2% par rapport à 2014.

Malgré un contexte toujours difficile, deux éléments retiennent l’attention. D’abord, la clientèle chinoise. Si leurs arrivées affichent un recul de -0,4% sur Paris elles augmentent de +16,6% dans le grand Paris, signe d’une croissance du marché qui se poursuit aujourd’hui davantage en petite couronne que dans Paris intramuros. Ensuite, bien qu’avec un volume de nuitées en recul de -1,6% dans le grand Paris, le tourisme d’affaires tend à remonter la pente après un recul de -15% en novembre et de -22,4% en décembre 2015. La proportion des nuitées d’affaires ayant atteint 59,3% en janvier dans le grand Paris soit 1,7 million de nuitées.

Un leadership mis à mal

Paris Le Bourget COP 21

Paris Le Bourget

Le tourisme d’affaires qui remonte la pente ? Ce n’était pas tout a fait l’avis du CRT Paris-Ile-de-France au premier semestre 2016 où se faisaient encore ressentir les conséquences désastreuses des attentats de 2015. Très remonté, le CRT Paris Ile-de-France alertait alors les pouvoirs publics sur les risques graves que faisait peser la situation des grèves et des blocages sur l’activité touristique de la destination. Chiffres à l’appui, il montrait la baisse conjuguée des Japonais (-56%), des Italiens (-24%), des Russes (-35%) et des Chinois (-13,9%) ne permettant pas à Paris Ile-de-France d’entrevoir une sortie de crise et encore moins d’espérer une reprise à court terme, arguant que « Les évènements sociaux et les scènes de guérilla en plein Paris relayés dans le monde entier renforçaient le sentiment de crainte et d’incompréhension des visiteurs dans un contexte déjà anxiogène suite à la prolongation de l’état d’urgence ». Durant l’Euro 2016, la situation sociale n’était toujours pas apaisée, les blocages de raffineries de pétrole, le ramassage défectueux des déchets ménagers et la circulation très perturbée des trains (c’est un euphémisme !) donnant l’image éculée d’un pays sale, hargneux, et divisé. “La France, creuset du désordre social et carrefour de violences” intertitrait même l’Express après des bastons sanglantes de hooligans à Nice et Marseille.

Si les résultats 2015 ont surtout été affectés par les attentats, ils risquent fort, si l’on prend en compte les intempéries — évaluées à elles seules à près de 1,5 milliards d’euros — de grever ceux de 2016 !... D’autant plus inquiétant, dans un contexte de mécontentement général, que ces impondérables viennent s’ajouter à d’autres problèmes endémiques. Par exemple, du point de vue des Professional Congress Organizer (PCO) ; une organisation des taxis insatisfaisante en termes de nombre et de qualité de service aujourd’hui mise à mal par l’ubérisation de l’économie avec l’émergence de nouveaux entrants VTC (conflit à suivre), le manque de liaisons directes vers Paris-Nord Villepinte ou entre l’aéroport Roissy Charles de Gaulle et la capitale, idem pour le projet “CDG Express” dont on parle depuis des années et toujours enterré (peut-être avec l’obtention des JO de 2024 ?). Dans le même registre, la vetusté du réseau ferré, des trains et des métros... Une déficience de gros porteurs (pas sûr que les responsables d’établissements hôteliers soient tous d’accord, notamment lorsque le taux d’occupation est en baisse de près de 8% !). Enfin, d’un point de vue purement économique, évoquons la détérioration de notre commerce extérieur et la faiblesse des marges de compétitivité de nos entreprises, les coûts unitaires de main-d'oeuvre qui augmentent, les charges publiques en hausse, les taxes innombrables, la loghorrée normative et législative, exception bien française... l’absence d’harmonie fiscale (taux de TVA à 17 au Luxembourg, 18 à Malte, 19 en Allemagne, 20 en France), des réglements incohérents et des décisions politiques arbitraires grevant le développement d’entreprises innovantes (symptomatique, dépendant du Conseil Régional d’Île-de-France, le fonds de développement touristique régional – FDTR, une aide qui a pour objectif de financer des projets d’investissement touristique, est passé de 5 à 2 millions d’euros !), etc. Le constat est clair ; alors que Paris était troisième en terme de PIB en 2010 derrière Tokyo et New York (Classement McKinsey Global Institute), à l'horizon 2025, elle risque d'être rétrogradée à la 7e place, dépassée par Shanghai, Los Angeles, Pékin et Londres, n’arrivant qu’en 26ème position sur 75 de ce palmarès établit à partir d'analyses démographiques et de projections sur le produit intérieur brut dans 2 600 villes du monde.

Une aura jamais démentie

Face à l’explosion des villes chinoises, doit-on s’alarmer de ne plus voir la capitale de la France figurer dans les 25 premières villes les plus dynamiques du monde en 2025, ou au contraire, se réjouir de la compter comme seules villes européennes, avec Londres (21e) et la mégalopole Rhin-Ruhr en Allemagne (51e), à honorer ce classement ? Car si l’on en croit la dernière étude de l’Anholt GFK City Brand Index, publié en janvier 2016, Paris détient toujours la palme de la ville la plus admirée au monde devant Londres et New York (une place qu’elle occupait en 2011 avant de retomber en troisième position en 2013). Un sondage intéressant basé sur six critères — présence, endroit, prérequis, population, pulsation et potentiel — permettant de mesurer l’attractivité et la puissance de marque des villes.


façade Pavillon 7

Pavillon 7 - © Viparis / L'Autre Image

Paris sera toujours Paris, dit la chanson. Paris plaît, c’est un fait, et heureusement les initiatives pour développer ou renforcer son pouvoir d’attractivité continue de se multiplier malgré une conjoncture difficile. En mai dernier, les responsables de 17 groupes hôteliers, de l'UMIH et du Synhorcat, représentant 651 hôtels et plus de 76 657 chambres toutes catégories confondues sur Paris et sa région, se sont réunis sous l'égide de la Ville (Jean-François Martins, Maire-Adjoint en charge du tourisme), de la Chambre de commerce et d'industrie départementale (Philippe Solignac, Président), de l'Office du Tourisme et des Congrès (Pierre Schapira, Président) et de l'UNIMEV (Thierry Hesse, Président) afin de signer la charte pour l'accueil des grands congrès à Paris. Outil au service des organisateurs de congrès, cette charte engage les hôteliers signataires sur une tarification prévisible, des conditions fixes de vente et de relâche des chambres, une procédure de gestion des contingents et des engagements de qualité. Une charte applicable aux congrès de grande envergure — plus de 1 000 congressistes — initiés par les organisations à but non lucratif (sociétés savantes, fédérations, associations professionnelles, etc.).

Une charte unique et des nouveaux centres de congrès

On s’étonne que cette mobilisation collective des acteurs du secteur pour séduire les organisateurs n’ait pas eu lieu plus tôt ! Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire, a fortiori sur un marché stratégique où en 2015 les congrès associatifs ont généré 11% des nuitées du tourisme d'affaires parisien grâce à quelque 762 000 participants accueillis à l'occasion de 1 004 manifestations (soit une hausse de 9,6% par rapport à 2014), dont 136 de plus de 1 000 congressistes. Un segment à forte valeur ajoutée à l'origine de 1,2 milliard d'euros de retombées en 2015. La dépense moyenne d'un congressiste est de 212 € par jour (allant jusqu'à 344 € pour un congressiste étranger) soit de 50% supérieure à celle d'un visiteur de loisirs. Les congrès assurent également le rayonnement international des filières d'excellence parisiennes, sont peu sensibles aux aléas conjoncturels et garantissent une activité de long terme grâce à une prise de décision de deux à dix ans à l'avance.


Paris Le Bourget COP 21

Maison de la Mutualité - GL events

L'émergence de nouveaux domaines de congrès — même si les sciences médicales représentent toujours 32% des congrès, l'économie ou le commerce gagnent du terrain — et la tenue prochaine de grands congrès (en novembre, Paris aura l'honneur d'accueillir 5 000 cancérologues, pour le World Cancer Congress et le World Leader Summit-UICC qui s'était tenu à Paris pour la dernière fois en 1952, ou fin septembre, l'European Association for Osseointegration pour lequel 4 000 participants sont attendus) sont autant d’événements qui témoignent d’une filière en veille concurrentielle et toujours dynamique. Autre manifestation marquante, du samedi 1er au dimanche 16 octobre, Paris Expo Porte de Versailles a accueilli le Mondial de l’Automobile, le salon le plus fréquenté au monde avec plus de 1 250 000 visiteurs en 2014. Il est l’occasion de dizaines de lancements et premières, de stands originaux et d’animations innovantes... tout comme les quelque 450 foires et salons qui se tiennent à Paris chaque année, attirant près de 10 millions de visiteurs et 100 000 entreprises exposantes. Viparis, gestionnaire des sites leaders en Europe avec 10 lieux d’exception, à travers la voix de son directeur général Michel Dessolain, reconnaît que « cette position de leader, loin d’être acquise, se mérite et impose de constants efforts d’innovation et de créativité ». C’est pourquoi en 2015, Viparis a été à l’initiative d’une série de projets stratégiques et structurants pour son avenir et celui du MICE dans le grand Paris, à l’image du démarrage des travaux de modernisation du Parc des Expositions de la Porte de Versailles et du lancement du Paris Convention Centre, projet ambitieux. Autre site à proximité de la Cité des Sciences et de l’Industrie et de la Philharmonie destiné à accueillir les opérations de grande envergure, le Paris Event Center, lancé par Jaulin Groupe et qui fait l’objet d’un vaste plan de rénovation et d’adaptation, désormais intégré dans une dynamique de communication des sites parisiens du groupe GL events. Du côté de Roissy, Patrick Petit, président de OT "Roissy Clé de France” estime que sa destination disposera elle aussi bientôt « d’une accessibilité de tout premier ordre, d’infrastructures de grande qualité, de coûts ultra compétitifs dans un tissu économique local très fort au coeur d’un village de charme à taille humaine, alliant convivialité, authenticité et art de vivre. C’est ici et c’est à Roissy que cela va se passer... » Sur 13 ha, pour un investissement total de 750 Md’€, l’International Trade Center (ITC) Paris à Roissy, avec son centre de congrès de 3 000 places, a pour vocation de devenir le 1er complexe intégré “Congrès et Evénementiel” en Europe. Des engagements importants qui ne dissuadent pas les initiatives plus modestes à l’instar de cet éductour organisé par Ideal Meetings & Events réservé aux entreprises afin de participer à la relance du tourisme d'affaires auquel Montmartre Authentique et le mythique restaurant "la Bonne Franquette" s'associaient, mi-mai dernier, pour convaincre les organisateurs de revenir à Paris...

Une prise de conscience, des investisseurs engagés, des acteurs concernés, l’avenir pour attirer à Paris de grandes manifestations d'associations dans un environnement international de plus en plus concurrentiel semble s’éclaircir, à condition de porter les efforts sur l’inventivité et l’amélioration de notre savoir-faire réceptif, de plus en plus remis en cause, notamment comparé à certains pays asiatiques !



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